Tour à tour professeur des écoles (en maternelle et en élémentaire), maître-formateur, conseiller pédagogique et désormais inspecteur de l’Education nationale, Sébastien Mounié a récemment publié « 333 idées pour enseigner au quotidien » aux éditions Nathan. Il y partage son expérience plurielle et son point de vue décentré. « L’objectif est de valoriser et partager les belles idées et bonnes pratiques qui se font dans les écoles. Les jeunes professeurs s’interrogent souvent sur le métier. Et tout enseignant a besoin de se former, d’avoir une réflexion sur ses pratiques. Ce livre produit un effet miroir sur leur travail tout en leur rendant hommage ».
Voici parmi les nombreuses idées proposées, quelques-unes qui ont retenu notre attention.
En cycle 1 :
S’adapter au rythme des enfants. C’est important d’être dans l’observation quotidienne des enfants pour évaluer leur cheminement physique, leurs interactions entre pairs. L’entrée dans les apprentissages doit se faire avec progressivité. Avec l’urgence du quotidien, on peut perdre ce bon sens. Les enseignants ont toute latitude pour aménager et adapter l’emploi du temps de la journée aux besoins des enfants. Les attirer vers les apprentissages nécessite de s’intéresser en premier lieu à ce qui les intéresse comme leviers possibles.
Créer des espaces lisibles et compréhensibles. Cela permet de renforcer les repères de l’enfant dans la classe et de créer un sentiment d’appartenance, de faire sien ce nouvel environnement. Grâce à cette sécurité affective, il pourra ensuite s’engager pleinement dans les apprentissages. Prévoir un espace pour communiquer avec les parents, attentifs et soucieux, permet souvent de rassurer le cercle familial et de travailler à l’évitement de conflits de valeurs. Cela peut être dans le couloir par le biais d’affichages, par exemple, ou lors de rencontres formelles et informelles comme les cafés des parents.
Mettre l’accent sur le langage oral. Les professeurs comme les ATSEM doivent être exemplaires dans leur maîtrise de la langue pour s’adresser aux enfants en classe mais également pendant l’interclasse. La lecture orale d’albums, la pratique de jeux de rôle, l’expression des sentiments, sont des leviers d’appropriation de syntaxe et de lexique. Après le récit d’un livre, les enfants peuvent théâtraliser, à l’aide de marionnettes, l’histoire, par exemple. Ils s’approprient ainsi les mots de l’album et développent des compétences transversales (structure du récit, expression orale…). Les albums-échos, cahiers de langage, sont d’autres pratiques possibles pour compenser les inégalités langagières et cognitives qui apparaissent dès l’entrée à l’école maternelle.
Cycles 2 et 3 :
Piquer la curiosité des élèves. C’est l’un des meilleurs moteurs de la motivation. Profiter d’un temps de pause pour écrire au tableau l’objet de la séance… et le cacher en partie. Cela enrôle plus volontiers les enfants dans une activité. Créer des énigmes en classe pour faire émerger des réflexions. Poser des problématiques pour leur apprendre à se questionner, à réfléchir. Ainsi, plutôt que d’annoncer littéralement le programme de la journée, l’écrire sous forme de situations-problèmes ou de questions engage davantage l’élève dans la séance.
Entourer les enfants de connaissances. Laisser le dictionnaire sur la table de l’élève. C’est l’objet de connaissances par excellence, même à l’heure d’Internet. Il ne concerne pas uniquement la séance d’orthographe ou de vocabulaire. Les enfants lisent les mots, en cherchent le sens, regardent les illustrations, apprennent à l’utiliser, vont d’une définition à l’autre pour apprendre… C’est un outil du quotidien qui est plus utile à portée de main que rangé au fond de la classe. Mettre également des affiches au mur rédigées en partie par les élèves en les renouvelant selon les apprentissages du moment.
Apprendre à raisonner. Lors des corrections collectives, il est important de célébrer les réussites. Mais il ne faut pas pour autant laisser les autres élèves au bord du chemin. Le statut de l’erreur est formatif et participe à la construction du savoir. L’élève doit pouvoir expliquer son raisonnement, et il est bon que le professeur repère les obstacles pour revenir dessus. Donner la parole aux élèves et se poser en régulateur des discussions est intéressant pour le groupe-classe. Les élèves apprennent ainsi à raisonner collectivement, à débattre, à coopérer. L’enseignant peut toujours reprendre la main ensuite si la classe ne va pas au bout du raisonnement.
Varier les modalités de travail. Seul, en binôme, en groupe, sur le mode du défi, en mode recherche ou de co-évaluation… Varier les formes d’apprentissage permet d’insuffler une nouvelle dynamique pour remobiliser les élèves.
Enfin, Sébastien Mounié cherche à rassurer les enseignants face à des situations d’élèves complexes. « Les enseignants sont beaucoup sollicités sur divers plans avec une hétérogénéité d’élèves parfois importante. Il faut accepter de ne pas pouvoir être l’enseignant parfait en toutes circonstances. S’interroger sur sa pratique ou une situation qui nous échappe n’est pas remettre en cause sa légitimité de professeur, mais le gage d’une pédagogie qui progresse. Etre enseignant, c’est souvent du pas à pas, de la dentelle parfois. Choisir les bons gestes professionnels nécessite du temps et une décélération. Prendre du recul sur sa pratique au quotidien s’apprend », conclut l’inspecteur de l’Education nationale. A chacun de glaner ici et là, les bonnes pratiques pour les faire siennes et les partager.
Mince! Un inspecteur compétent et réaliste… Ce n’est pas si fréquent!